La stratégie des Frères: former une élite capable de prêcher la démocratie et son contraire
Pourquoi faut-il encore et toujours s’intéresser aux Frères musulmans ?
Parce que, depuis la création de la Confrérie, ils sont au coeur du processus de politisation de l’islam. Leur idéologie est au centre de la militance djihadiste. Leur slogan n’a jamais bougé d’un iota et se résume en quelques mots : « Dieu est notre but, le Prophète notre chef, le Coran notre Constitution, le Jihad notre voie, la mort pour Allah notre plus grande espérance. »
Leur visibilité s’est accrue d’année en année et leur succès, aujourd’hui, ne fait plus aucun doute puisqu’ils représentent le courant dominant de l’islam politique aussi bien dans le monde musulman qu’en Occident où ils cultivent un double objectif : former une élite capable d’entretenir des liens étroits avec les différents pouvoirs de façon à assurer une pénétration de l’islam dans la sphère politique, et devenir les représentants « légitimes » des communautés musulmanes. A défaut de pouvoir « islamiser » le droit, par exemple, ils militent sans relâche pour une prise en compte accrue des revendications religieuses à travers les fameux « accommodements ».
Les Frères, qui visent à placer tous les musulmans sous leur tutelle, ont compris que leur force réside dans leur capacité fédératrice, en monnayant par exemple, en période électorale, les voix de cette masse d’électeurs potentiels.
Et ça marche !
Des politiciens de tous bords, naïfs ou calculateurs, se sont montrés prêts à toutes les compromissions pour gagner en popularité, se faire élire ou réélire. En retour, les Frères obtiennent une reconnaissance politique accrue et une prise en considération de leurs revendications communautaristes. C’est ainsi que les Frères, en bons politiques qu’ils sont, dissèquent tous les programmes électoraux de chacun des partis en lice pour un scrutin avec comme seul objectif d’influencer directement les législations des démocraties.
Pour s’enraciner dans le paysage social, les Frères bénéficient d’un gigantesque réseau associatif, financier, caritatif et d’entraide, implanté en Europe depuis la fin des années 1950.
Ces organismes (sous différentes appellations) leur assurent une couverture honorable au sein de la plupart des pays. Dans une contribution très instructive intitulée « La Conquête de l’Europe par les Frères Musulmans [2] », Lorenzo Vidino, spécialiste des Frères musulmans, décrit en détail leur épopée européenne.
Les Frères sont par ailleurs de véritables champions de la dissimulation : la taqiyya. Ils sont à la fois pragmatiques, adeptes du double langage, de la stratégie des « petits pas » et du djihad.
Dans les démocraties occidentales, ils prêchent tout et son contraire : ils condamnent publiquement la boucherie de Charlie Hebdo mais continuent de glorifier les djihadistes et leurs mosquées, très nombreuses, prêchent la haine contre les « kouffars » (mécréants) dans des sermons enflammés qui sont autant d’appels au meurtre.
Mais lorsqu’ils ne sont plus sur les plateaux de télévision, les Frères européens retrouvent leur vrai visage. Ils abandonnent leurs sourires de façade et leur prêchi-prêcha sur le « dialogue interreligieux » pour renouer avec leurs véritables objectifs :
la conquête du pouvoir (à long terme) à travers un ancrage social et des mises en gardes répétées contre la « décadence » des sociétés occidentales et la « suprématie » américano-sioniste.
Harceler les lanceurs d’alerte pour abêtir les consciences
L’ancien frériste, Mohamed Louizi, qui a rompu ses liens avec la Confrérie explique ses méthodes de recrutement aussi bien au Maroc, son pays d’origine, qu’en France, dès son arrivée comme étudiant en génie électrique. Dès l’âge de 13 ans, il est enrôlé, à Casablanca, dans la jeunesse frériste par le biais d’activités parascolaires et un soutien académique constant. En France, il rejoint les rangs de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF) connue pour sa militance en faveur du voile à l’école, sa croisade contre la laïcité et ses campagnes de haine à l’endroit de Charlie Hebdo. Ce père de trois enfants qui a passé 15 ans de sa vie (1991 à 2006) au premier plan de la Confrérie décortique ses rouages dans un livre passionnant, Pourquoi j’ai quitté les Frères musulmans. Preuves à l’appui, il lève le voile sur la stratégie d’islamisation globale des Frères musulmans. Son divorce avec ses anciens compagnons de route ne s’est pas fait sans conséquence puisqu’il a subi six procès en diffamation (cinq gagnés et un en attente de jugement).
Cette technique d’intimidation rappelle la plainte au conseil de déontologie journalistique (CDJ) à l’endroit de la journaliste du magazine Le Vif, Marie-Cécile Royen, à la suite de son enquête sur les Frères musulmans en Belgique. « Entre le 15 avril et le 6 mai 2015, le CDJ a reçu sept plaintes dirigées contre un même dossier publié par l’hebdomadaire Le Vif-L’Express dans son édition du 6 mars. Trois de ces plaintes provenaient de personnes individuelles et quatre d’associations : l’Association belge des professionnels musulmans (ABPM), le Comité contre l’islamophobie en Belgique (CCIB), Empowering Belgian Muslims (EmBeM) et Vigilance musulmane. [3] » Parmi les plaignants individuels, on retrouve le mandataire Ecolo de Verviers, Hajib El Hajjaji, figure de proue du frérisme en Belgique, qui siège au conseil d’administration d’UNIA depuis le début de l’année 2021 et qui occupe en même temps la fonction de vice-président du CCIB. Pour faire taire la seule journaliste d’enquête de l’islamisme dans l’espace francophone belge, les islamistes ont déployé leur grosse artillerie. La journaliste en question en fait les frais depuis 2015. En réalité, cet acharnement contre Royen n’a jamais cessé. Ce qui, d’ailleurs, ne l’a pas empêché de continuer à faire son travail.
Source : Frères musulmans en Belgique : une réalité tangible et mal connue (carte blanche) – Belgique – LeVif