Trith-Saint-Léger (Nord), correspondance particulière.
«C’est du 100 % chinois. On ne fait aucun usinage, que de l’assemblage. » À côté de sa ligne de production, Pascal Hocq désigne, désabusé, les caisses de bois d’où sont sortis deux axes et quatre roues. Déballage, nettoyage, graissage, assemblage : le tour est joué. Recruté au départ comme apprenti, l’ouvrier travaille sur le site d’usinage de Valdunes de Trith-Saint-Léger, près de Valenciennes, depuis vingt-sept ans. Ici, on sait pourtant réaliser un essieu ferroviaire de A à Z, à partir des pièces d’acier envoyées par la forge de l’entreprise située à Leffrinckoucke, près de Dunkerque. Mais depuis le rachat, en 2014, par le géant chinois MA Steel, beaucoup de choses ont changé. « Ils nous ont beaucoup observés et filmés », se souvient-il. Au point d’acquérir le savoir-faire de la dernière entreprise française d’essieux ferroviaires. « Au départ, ils ne savaient même pas “boîter” les roulements, caler les roues, ni mettre en peinture », assure-t-il.
Source : La CGT a un projet pour sauver Valdunes | L’Humanité
La CGT a un projet pour sauver Valdunes
Industrie La secrétaire générale de la confédération syndicale, Sophie Binet, s’est rendue vendredi auprès des 340 salariés plongés dans l’angoisse depuis que leur actionnaire chinois les a lâchés. Elle a évoqué plusieurs pistes, dont une reprise de l’entreprise de fabrication d’essieux par un consortium Alstom-SNCF.
Lundi 4 septembre 2023
Trith-Saint-Léger (Nord), correspondance particulière.
«C’est du 100 % chinois. On ne fait aucun usinage, que de l’assemblage. » À côté de sa ligne de production, Pascal Hocq désigne, désabusé, les caisses de bois d’où sont sortis deux axes et quatre roues. Déballage, nettoyage, graissage, assemblage : le tour est joué. Recruté au départ comme apprenti, l’ouvrier travaille sur le site d’usinage de Valdunes de Trith-Saint-Léger, près de Valenciennes, depuis vingt-sept ans. Ici, on sait pourtant réaliser un essieu ferroviaire de A à Z, à partir des pièces d’acier envoyées par la forge de l’entreprise située à Leffrinckoucke, près de Dunkerque. Mais depuis le rachat, en 2014, par le géant chinois MA Steel, beaucoup de choses ont changé. « Ils nous ont beaucoup observés et filmés », se souvient-il. Au point d’acquérir le savoir-faire de la dernière entreprise française d’essieux ferroviaires. « Au départ, ils ne savaient même pas “boîter” les roulements, caler les roues, ni mettre en peinture », assure-t-il.
En mai dernier, MA Steel a annoncé qu’il ne mettrait plus un centime dans sa filiale, plongeant dans l’inconnu les 340 salariés des deux sites qui se sont mis en grève plusieurs semaines, à l’appel de la CGT. Bercy s’est penché sur le dossier et le tribunal de commerce a enclenché une procédure de conciliation destinée à trouver un repreneur. « Valdunes est la priorité de la rentrée de la CGT, le symbole de l’impasse de la financiarisation de l’industrie », commente Sophie Binet venue à Trith-Saint-Léger, vendredi, pour soutenir les salariés à nouveau appelés à cesser le travail pour protester contre le manque d’informations et de perspectives. Les repreneurs potentiels ont jusqu’au 8 septembre pour se signaler. « Nous voulons la transparence sur ces dossiers et ne pas tout apprendre au dernier moment », insiste la secrétaire générale de la CGT.
La journée de vendredi commence par une visite du site en présence de son directeur, François Demilly. Ce dernier évoque une liste de « 10-15 candidats » à la reprise mais reconnaît son caractère hétéroclite : « Certains sont des clients, d’autres pas du métier… » Délégué CGT du site de Trith, Maxime Savaux pense surtout à deux concurrents, le tchèque Bonatrans et l’italien Lucchini, venus visiter les lieux. « Ils viendront chercher nos carnets de commandes et ils partiront », prédit-il. Il craint également que, contrairement à toute logique industrielle, les sites de Valenciennes et de Dunkerque ne soient découpés. François Demilly essaie de rassurer : au moins, les concurrents « sont des acteurs du métier ».
Autre difficulté : l’actionnaire chinois, une fois dépassée la ligne de crédit accordée à Valdunes, a limité la fourniture de pièces. « Nous avons dû baisser la voilure et perdu des marchés, surtout dans le fret », reconnaît le directeur, qui a sollicité la SNCF et la RATP pour avancer des commandes programmées pour l’année prochaine. Avec les pouvoirs publics, il négocie des « reports de charges » et un million d’euros de crédit impôt recherche doit être débloqué prochainement.
La « nationalisation » est évoquée
Cela ne saurait constituer une « vraie politique industrielle », insiste Sophie Binet sur le parking de l’entreprise, à l’heure des prises de parole. La CGT a travaillé sur un « projet pour l’avenir de Valdunes » supposant un renflouement de la trésorerie, qui pourrait afficher un trou de 200 000 euros en octobre. Plusieurs pistes sont listées : prêt garanti par l’État, prise de participation au capital, « fléchage vers Valdunes de fonds liés aux plans France 2030 ou ferroviaire 2024 (doté de 100 milliards d’euros – NDLR) ». La « nationalisation », même partielle, même temporaire, est évoquée. À terme, un « consortium Alstom-SNCF » pourrait reprendre l’entreprise. Alstom, dont l’État est actionnaire, ferait de Valdunes sa filiale et la SNCF redeviendrait un gros client. « Aujourd’hui, la SNCF nous commande 7 500 roues par an, contre 55 000 à une époque », précise Philippe Lihouck, délégué CGT de la forge de Valdunes.
Pour souligner que le dossier est autant politique qu’économique, la journée s’est terminée par un meeting dans la salle des fêtes de Trith. « Votre activité est profondément écologique : le train pollue entre 30 et 70 fois moins que la voiture ! » lance Marine Tondelier, secrétaire nationale d’EELV. « On veut produire ici ce que nous utilisons ici. (…) Battons-nous jusqu’au bout pour que l’État s’engage », embraye Fabien Roussel, secrétaire national du PCF et député du Nord. « Des solutions existent, il faut une volonté politique », conclut Marina Mesure, députée européenne FI.