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Voici ce que disait un ancien guerrier :
Je n’ose donner le signal, j’aime mieux le recevoir.
Je n’ose avancer d’un pouce, j’aime mieux reculer d’un pied.
C’est ce qui s’appelle n’avoir pas de rang à suivre, de bras à étendre, d’ennemis à poursuivre, ni d’arme à saisir.
Il n’y a pas de plus grand malheur que de résister à la légère.
Résister à la légère, c’est presque perdre notre trésor.
Aussi, lorsque deux armées combattent à armes égales, c’est l’homme le plus compatissant qui remporte la victoire.
Source : Tao Te King – Livre de la voie et de la vertu – Chapitre 69
Chapitre 69
用兵有言:吾不敢为主,而为客;不敢进寸,而退尺。是谓行无行;攘无臂;扔无敌;执无兵。祸莫大於轻敌,轻敌几丧吾宝。故抗兵相加,哀者胜矣.
Un stratégiste de l’antiquité a dit :
— Je n’ose pas être l’hôte ; j’aime mieux être l’invité. Je n’ose pas avancer d’un pouce ; j’aime mieux reculer d’un pied.
C’est là ce qu’on appelle : « Marcher sans qu’il y ait de marche, retrousser les manches sans qu’il y ait de bras, dégainer sans qu’il y ait d’épée, jouer des mains sans qu’il y ait d’adversaire. »
Il n’y a pas de plus grand malheur que de prendre son adversaire à la légère. Si je prends mon adversaire à la légère, je risque de perdre mes trésors. Car lorsque les armes opposées se croisent, c’est celui qui cède qui gagne.
Table des Matières
Résumé des commentaires
Pour « de l’antiquité », voir les notes sur le chapitre précédent.
L’hôte est celui qui prend l’initiative ; l’invité attend. Donc, en termes militaires : l’un prend l’offensive, l’autre se tient sur la défensive. Cette attitude passive est formulée d’une manière frappante au moyen de termes militaires dans un sens négatif. Pour l’ordre des phrases dans ce paragraphe (« marcher… » etc.), je suis le commentaire de Wang Pi.
Ce même commentaire donne l’impression que, dans la phrase suivante, au lieu de k’ing ti (220) « prendre son adversaire à la légère », on devrait lire wou ti (221) « ne pas avoir d’adversaire ». Seulement, avec un wou ti immédiatement précédent, on pourrait plus facilement comprendre une corruption d’une leçon originale k’ing ti en wou ti que l’inverse ; voir pour un cas analogue le chapitre XLI. Le commentaire de Wang Pi explique qu’il ne faut pas, par la force, se mettre dans la situation où l’on n’a plus d’adversaires, — sans doute parce qu’alors on devient trop fort. Cela donne un bon sens ; mais, d’autre part, la condamnation de la situation où il n’y a pas d’adversaire contredit ce que l’auteur vient de dire de « jouer des mains sans qu’il y ait d’adversaire ». Après quelque hésitation, j’accepte donc k’ing ti du texte reçu, qui donne aussi un sens acceptable et s’accorde avec l’aphorisme du chapitre LXIII : « Le Saint trouve tout difficile ». Ma traduction : « C’est celui qui cède » tient compte de la correction de ngai (222) « regretter » en jang (223) « céder », correction confirmée par plusieurs cas parallèles. L’image est empruntée à l’art de l’escrime.
Pour les trésors, voir LXVII.
Chapitre 69
Commentaire sur ce chapitre Voir la traduction de Word pour Word
Les stratèges ont un dicton,
je n’ose pas jouer l’hôte mais jouer l’invité,
je n’ose pas avancer d’un pouce mais reculer d’un pied à la place.
Ceci est connu comme marcher en avant quand il n’y a pas de route,
retrousser ses manches quand il n’y a pas de bras,
traîner son adversaire de force quand il n’y a pas d’adversaire,
et prendre les armes quand il n’y a pas de bras.
Il n’y a pas de catastrophe plus grande que d’affronter un ennemi trop facilement.
Donc, cela m’a presque coûté mon trésor.
Ainsi de deux côtés levant les bras l’un contre l’autre,
c’est celui qui est affligé qui gagne.

